Madame Bourqui-Pittet, vous êtes la responsable d'eHealth Suisse depuis novembre dernier. Quels enseignements tirez-vous de votre vécu et de vos expériences au cours de ces six premiers mois ?

Je suis très impressionnée par le nombre de partenaires qui gravitent dans le monde de eHealth en Suisse. J’ai eu l’occasion de rencontrer vraiment beaucoup de monde de ce milieu et de constater qu’il y a déjà un énorme travail qui a été fourni. Et surtout j’ai pu observer beaucoup d’engagement ! J’ai pu voir également que le chemin du dossier électronique du patient n’était pas linéaire et qu’il reste un bon bout de route à faire. Mais je me réjouis du voyage !

Où voyez-vous un besoin d'action particulier, que souhaitez-vous faire avancer ?

Il y a encore du travail à fournir par tous les acteurs concernés pour que les rouages, qui sont déjà en place, tournent de concert et avancent dans la même direction, par exemple lors de la mise en œuvre de nouveaux formats d'échange ou d'autres nouvelles fonctionnalités. Nous allons aussi devoir investir dans l’éducation des utilisateurs, et notamment des patients, car ils se retrouvent désormais maître de leurs données de santé.

Quelles sont vos visions concernant la numérisation du secteur de la santé ?

J’espère vraiment que la numérisation permettra aux personnels de santé de gagner du temps pour s’investir pleinement là où leurs compétences sont les plus précieuses : auprès des patients. Cela signifie moins de travail administratif, un échange d’informations simplifié et moins de doublons. Autant d'avantages que nous attendons du DEP !

Que retirez-vous de vos expériences professionnelles passées pour vos activités au sein d'eHealth Suisse ?

J’ai eu l’occasion de gérer un projet pilote pour la mise en place d’une étude sur la santé, une étude de cohorte au niveau national. Durant l’étude nous avons récolté des données de santé et des échantillons dans la population afin de voir notamment comment l’exposition à certains produits chimiques pouvait influencer la santé. Il fallait se mettre d’accord entre les partenaires sur quelles informations devaient être collectées, comment on les collectait et sur toute la gestion de ces données. Ça a été un premier contact passionnant avec les données de santé. J’ai pris dans mon sac également une certaine endurance pour les projets au long court.

Pendant la pandémie de Covid-19, vous avez apporté une contribution importante à la gestion de la crise dans le cadre de vos fonctions au sein du groupe de travail "Situation" de l'OFSP. Sur la base de votre expérience, quel rôle le DEP pourrait-il jouer dans la lutte contre une future pandémie ?

C’était effectivement une expérience instructive, tant personnel que professionnel. Nous avions à faire à des données très hétérogènes qu’il fallait aller chercher dans différents systèmes. Il s’agissait donc de se mettre d’accord sur des données, sur des standards et sur une infrastructure commune même si les buts ne sont pas les mêmes.  Je pense qu'ici, le travail du groupe spécialisé dans la gestion des données, qui a débuté l'automne dernier, contribuera beaucoup à améliorer la gestion des données dans le secteur de la santé. Quoi qu'il en soit, le DEP permet aux professionnels de la santé, surtout sous la forme de données structurées, à obtenir rapidement des informations importantes sur un patient telles qu’un aperçu des vaccins et d’allergies possibles. Le DEP doit également soulager le personnel de santé d’une partie de la charge administrative et éviter doublons ou erreurs de communication. Il peut ainsi être une aide précieuse dans le cadre de la gestion d’une pandémie.

Comment évaluez-vous l'importance du dossier électronique du patient pour l'avenir du système de santé suisse ? Que faut-il faire pour que le DEP puisse déployer tout son potentiel ?

J’aimerais sincèrement arriver à ce qu’un jour, la seule question qu’on se pose soit d’avoir une interface bleue ou rouge sur mon app DEP. Et pas est ce que j’aimerais un DEP ou pas. Il doit devenir populaire ! Ça doit devenir une évidence. Pour cela, nous devons expliquer l’utilité du DEP au grand public. Après c’est évident que l’accès doit y être le plus simple possible. Pour l’instant le processus d’ouverture est encore un peu fastidieux et l’outil n’est pas encore très attractif. Il s’agit d’assurer la qualité des fondations et de la construction. Nous nous attaquerons alors à la décoration d’intérieur.